Avis déposé auprès du commissaire enquêteur sur le projet d’hyperincinérateur.

25/01/2014 17:15

Enquête Publique - Centre Multifilières de traitement des déchets à Echillais

 

A l'attention du Commissaire enquêteur

 

Je suis opposée au projet de centre multifilières de traitement des déchets tel que présenté car il va à l'encontre de la politique de traitement des déchets qui est celle du pays rochefortais depuis de nombreuses années : réduction de ces déchets à la source et tri sélectif. C'est, à mon sens, un retour en arrière. L'installation d'une usine comme celle projetée à Echillais a besoin d'un énorme tonnage de déchets, que l'extension du territoire de collecte aux collectivités de Marennes, Oléron, Royan, Gémozac, etc ne peut justifier. En effet, ce territoire comprendra 200 000 habitants, dont l'enquête publique nous indique qu'ils ont produit 79 400 t de déchets en 2012, soit 397 kg/hab. Or l'agence régionale d'évaluation environnement et climat indique dans une étude de 2009 que la moyenne en Charente-Maritime est de 331 kg/hab/an[1]. Cette brusque augmentation est étrange, et si elle est vérifiée indique un manque certain de maîtrise dans la production des déchets ménagers sur notre territoire. L'usine projetée devrait pouvoir incinérer plus de 74 000 t de déchets chaque année, soit 372 kg/hab/an, alors même que seulement 136 kg/hab/an étaient incinérés en Poitou Charentes en 2009. Même en considérant que la population peut augmenter, cela montre que le traitement thermique sera radicalement privilégié au détriment des filières de recyclage. Le dossier d'enquête publique reste muet sur une question essentielle : que se passera-t-il si la population fait des efforts de réduction des déchets et ne fournit pas les tonnages escomptés ? La collectivité devra-t-elle "indemniser" l'usine pour ce manque à incinérer ? D'une façon générale, les aspects financiers sont passés sous silence et ne permettent pas de juger de l'utilité publique du projet.

Si cet apport de déchets des territoires voisins ne suffit pas à alimenter le four hyper gourmand du nouvel incinérateur, serons nous obligés d'acheter des déchets aux pays voisins, comme c'est le cas en Suède par exemple ? Encore une dépense supplémentaire qui viendra sans conteste, alourdir encore le budget des collectivités et donc, celui des ménages, déjà sous le poids extrêmement coûteux du financement du projet de l'hyperincinérateur !

Par ailleurs, le très vaste territoire qui sera couvert engendrera des nuisances routières. Cela entraînera une rotation supplémentaire de camions indéniable, qui ne pourra qu'être nuisible à la qualité de vie des habitants, à la sécurité routière, à la pollution atmosphérique avec le dégagement de CO2.

En matière d'émissions par l'usine elle-même, l'étude d'impact garantit semble-t-il le respect des normes légales. On peut douter toutefois que cela se traduise par une amélioration de la situation actuelle, puisque selon les chiffres fournis par l'étude d'impact les rejets pourraient être multipliés par 3 pour le dioxyde de soufre, par 6 pour les métaux lourds, par 10 pour le mercure et par 25 pour les dioxines et furanes.

Il est également question du traitement mécano biologique (TMB) censé produire du compost de qualité utilisable en tant qu'amendement organique. Il semble que l'ADEME ait un avis différent, repris par l'avis de l'agence environnementale sur le projet : les composts issus de cette technique peuvent contenir des déchets indésirables et toxiques, à la différence des composts issus de tri à la source. Là encore, la filière proposée va à l'encontre du tri et des efforts accomplis pour accoutumer la population à utiliser plusieurs poubelles, à réduire ses déchets et à en faciliter la valorisation.

Enfin, que comprendre du travail de la Communauté d'agglomération de Rochefort Océan pour classer le site remarquable de l'Arsenal si une usine qui se trouvera exactement en bordure de ce site classé arbore une cheminée de 47 mètres de hauteur ? N'y a-t-il pas, là encore, contradiction et retour en arrière ?

Dans une gestion responsable des déchets, il y aura toujours une part incompressible de déchets à incinérer, mais cette part doit être résiduelle et non pas principale, comme le prévoit le projet proposé. La part de l'incinération y est exorbitante et générera des coûts économiques et environnementaux considérables. La capacité d'un incinérateur doit être au contraire calculée au plus juste, afin d'accompagner les efforts en faveur des filières de tri et de recyclage.

Pour ces raisons, il me paraît indispensable avant toute décision sur ce projet  que soit étudiée

l'alternative : le tri sélectif, une information soutenue sur la consommation et la réduction des emballages, la revalorisation des déchets, valeur ajoutée du tri puisque tout produit recyclable est un produit que l'on peut revendre et donc, qui rapporte s'il est correctement géré, la pesée embarquée, incitative à la réduction des déchets... Cette alternative fonctionne apparemment très bien sur plusieurs territoires, preuve en a été faite : communauté de communes des Portes d'Alsace,  communauté de communes de Podensac par exemple... Notre territoire ne peut pas ainsi tourner le dos à la modernité en optant pour le traitement industriel de quantités incontrôlées de déchets tout-venant.

 

Michèle Bazin

 

 


[1] AREC, 2009 - Gestion des déchets en Poitou-Charentes - Des chiffres pour comprendre